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Le succès éclatant de la blockchain illustre la force subversive et révolutionnaire des idées les plus baroques : créée initialement comme la solution à un défi quasi insoluble, à savoir permettre des transactions fiables en l’absence de tout lien de confiance entre les parties à l’échange, la blockchain est en passe de transformer la place de l’individu dans la machine économique. En supprimant les intermédiaires, la blockchain fait de chacun son propre banquier, notaire, intermédiaire financier, et rend possible l’invention de business models auparavant
impensables.
Transactions financières, chaînes logistiques, micropaiements, gouvernance d’entreprise, investissement dans l’art et le luxe : tous ces secteurs ne représentent qu’une fraction des domaines où la blockchain amène à transformer les pratiques. Et cela est d’autant plus évident dans les marchés émergents, qui se caractérisent par une forte capacité à intégrer tout saut technologique offrant un avantage immédiat.
En Afrique, le faible taux de bancarisation, les difficultés logistiques, des cadastres parfois parcellaires, la lenteur des paiements transfrontaliers, les problèmes liés au recensement
des citoyens pour l’accès aux services publics, sont autant de secteurs où la blockchain apporte des solutions évidentes.
La familiarisation du grand public à la blockchain se fait en général à travers les cryptomonnaies, dont le développement a tant facilité les paiements à distance, l’accès aux prêts individuels, les levées de fonds, pour ne nommer que quelques usages. Le succès des cryptomonnaies est tel que le continent africain en est devenu le troisième plus grand marché, avec un taux d’adoption de 1200% entre juillet 2020 et juin 2021, selon les chiffres du rapport de la firme d’investissement suisse CV VC, « The African Blockchain Report 2021 ».
Ce phénomène est particulièrement visible en Afrique du Sud, au Kenya, en Tanzanie, et au Nigeria, premier pays africain à avoir lancé une monnaie digitale de banque centrale, l’e-naira,
en octobre 2021. La Banque centrale du Nigeria prévoit que l’adoption de cette technologie devrait se traduire par une augmentation du PIB de 29 milliards de dollars dans les dix prochaines années.
Initialement regardée comme une technologie risquant d’ébranler les institutions traditionnelles et l’autorité de l’État, la blockchain est aujourd’hui devenue un auxiliaire de la vie publique permettant à la fois d’accélérer les procédures administratives, d’accroître significativement l’inclusion financière et l’accès aux services publics, et de dynamiser les économies en créant de nouvelles catégories d’emplois partout où les synergies entre blockchain, intelligence artificielle, automatisation et numérisation des échanges permettent l’apparition de nouveaux services et demandent la mise en place de nouvelles infrastructures.
Le secteur de la blockchain en Afrique témoigne déjà de l’accélération du phénomène, avec une hausse des investissements de 1668% année sur année entre les premiers semestres de 2021 et 2022, de 5 millions de dollars en 2021, à 91 millions un an plus tard, le Nigeria, les Seychelles, le Kenya et l’Afrique du sud ouvrant la voie. Que ce soit dans la fintech, les exchanges décentralisés, les marketplaces de NFTs, les fournisseurs de protocole, les développeurs logiciels, et les mineurs, le continent possède déjà de nombreux acteurs efficaces et prometteurs.
Mais pour que la blockchain prenne véritablement son essor en Afrique, trois conditions devront être remplies : l’accès au numérique, la sécurisation des transactions, et l’existence d’un cadre réglementaire à la fois souple pour les entreprises et générateur de confiance pour les utilisateurs.
Pour l’instant, rares sont les pays à autoriser explicitement les cryptomonnaies, et encore plus rares ceux qui leur ont donné un statut légal et un cadre de développement réglementaire
favorable.